Noël, J moins j.
Noël, J moins j. Vaut quand même mieux qu'eux nous gâchent tous les jours de l'année, c'est ça ? Ils ne veulent pas qu'on dérange cette fête de la consommation, du délire électrique, de l'abattage des dindes, du pal aux chapons, des religieux chocolats, et de la messe déjà dite. Non, ils ne veulent pas. Enfin, si, peut-être un peu... déranger les assoupis, juste assez pour qu'ils recadrent les veilleurs de lutte, haute, du bout de leurs télécommandes et de la toise comme s'outre le repu des gargouillis des ventres vides. Foutre le bazar entre les mous et les résolus à ne pas se laisser compter chrysanthème sur le dos et les nécessités humaines. Si seulement ils pouvaient s'entre-haïr, si seulement ils pouvaient se mettre des bâtons dans les roues tout seuls... qu'elles voilent assez pour les mener au mur sans contrôle. C'est cela ? On dit "diviser pour mieux régner", surtout au fond des cloches entre le marteau et le tocsin.
Bientôt la No, ici dit-on, avec sa cosse dans l'âtre et les poulardes qu'on égorge. La No d'ici, Noël ailleurs. C'est cette petite chose, petite nuit, un peu blanche, un peu chaude sous les bûches, craquante sous les pas passant bientôt minuit sonnant. La mémoire fait appel à la froidure et au frisson sous la neige qu'on ne voit plus, elle tente de tromper le déplacement des heures dans l'eau d'un ciel turbulent.
Plus loin, un goût de glace à la vanille revient sous les flocons de la Makarenko, une bataille de boules de neige et les rires des combattants crevant le silence comme des cascades d'eau claire. Un temps inondant la nuit à deux pas de la maison.
Hélas, les voix du trône enrayent les souvenirs. Que veulent-ils qu'on dérange quand Noël n'est qu'un temps d'hiver corrompu ? Un temps à rappeler les différences, un temps à faire brûler plus que d'ordinaire la solitude de la misère, un temps trompeur quand on le prend par les bolducs. Ma grand-mère dirait qu'ils décausent : "Mon p'tit Edouard, veux-tu t'écouter !".
On va le reprendre, ce temps de la No, quand il sera sain et que le seul T à ajouter sera celui de la trêve, celle qui nourrit de confiance. Qu'ils veuillent ou non. Parce que les dates sacrées, c'est dans les églises, pas plus derrière les cravates du système que dans les rues déchirées. On arrive à la pause et le trouble obsède. Ils savent mais nous aussi, que la seule digestion que dérangerait l'insistance à refuser le désastre, se trouve dans les tiroirs des bureaux impériaux d'une raie publique offerte à qui veut l'acheter.
On nous prend pour des dindes mais, qui sont donc les marrons dans l'affaire ?
Marie HURTREL
15 décembre 2019