Le Bal des masques
Comme la plupart d'entre nous ne savons pas si nous sommes porteurs du virus ou pas, bien sûr qu'il faut un masque pour sortir de chez soi. Afin de ne pas envoyer un postillon potentiellement délétère sur un voisin de transport, sur un client en caisse, sur un passant qui passe (que serions-nous si les passants ne passaient plus... mais, certains passants passeront autrement, là-bas, ils ne passeront plus, ici).
C'est le grand n'importe quoi dont ont fait et font preuve ceux qui nous gèrent comme un troupeau ignare. Nous le sommes sur beaucoup de choses, ignares, mais il semble que nos brillants conseillers également. Ou alors ils font exprès. J'ose espérer que non.
Un masque chirurgical ne nous protège pas, il protège les autres si l'on est malade. Belle évidence qui fait oublier l'autre évidence aujourd'hui : bien malins ceux asymptomatiques qui savent avoir été péchos par la bête à couronne.
Bah, on se réveille puisqu'on ferme les écoles... cela ne les gêne pas d'être incohérents puisqu'on gobe souvent, et si on ne gobe plus, ils tentent encore ce qui a toujours fonctionné et se justifient en grattant nos cordes encore sensibles.
Alors, ne reste plus que la distanciation sociale qui ne s'applique pas aussi facilement que cela, pas si facilement que de se coller un masque sur la fiole et d'avoir une fiole de gel rassurant au fond de la poche. Dites aux jeunes d'arrêter de se voir, essayez pour voir. Dites-leur d'arrêter de regarder ensemble en riant sur le même écran en se postillonnant sans s'en rendre compte sur l'épaule, la joue quand d'une main routinière ils se touchent le visage. Dites-leur de ne pas se toucher le visage, pour voir. Je dis les jeunes, bah, les vieilles carcasses aussi qui se font discrètes et continuent de s'entre-postillonner sur la courge par la mégarde ancrée dans nos gènes plus profondément qu'une cheville dans une charpente séculaire, sans imaginer les conséquences. Parce qu'on exagère toujours quand ça nous emmerde. On a notre train ordinaire, voilà bien autre chose s'il faut en changer ; est-ce qu'on change de peau comme de chemise ?
Bien sûr que le virus circule, si facilement. D'autant plus facilement qu'on s'entasse dans un métro ou un bus sans le masque qui vaudrait pourtant le "juste au cas où"... parce que la bête virale ne se voit pas et qu'on nous rebat les oreilles avec l'inutilité du dit masque. Ah oui, il ne sert à rien, surtout quand on n'en a pas. Il n'y en a pas, parce qu'on nous gère comme du bétail et qu'on avait pas prévu que nos grouillements planétaires pouvaient transmettre beaucoup de choses plus rapidement que l'internet et son nombre de G, parce qu'on ne prévoit jamais rien pour les riens et qu'on oublie que les riens font socle souvent. Parfois le socle s'effondre.
Un masque ne sert à rien, il vaut mieux confiner les EHPAD où des anciens payeront du désespoir à en mourir l'inconséquence de nos brillants conseillers gérants qui ne démordent pas de l'idée qu'un pays n'est qu'une grosse entreprise avec son bilan et ses pertes et profits. Le désespoir tue, même ceux que l'on aime.
Un masque ne sert à rien, il vaut mieux que le vendeur de pain vous mette un petit postillon en plus pour le même prix. Le geste du commerce de la mort des plus fragiles.
Un masque ne sert à rien, il vaut mieux que les clients des grandes surfaces arrosent à leur tour chacun la trombine du caissier qui n'a que sa fiole et son gel et l'immense chance que la goutte ne lui tombe pas au bord des lèvres et la constance et le courage de résister à l'habitude de se toucher le visage.
Les masques ne servent à rien, qu'ils disent. Cela me rappelle le jardinier qui n'aimait pas manger les pommes et regardait du mépris la moindre tarte à ce fruit parce que cette année-là "le pommier n'avait pas donné".
Enfoncez-vous dans la tête que tout ce qu'on vous dit inutile manque. C'est l'exact système de la publicité, ce qui est bon pour vous fait pléthore, on écoule les stocks comme on peut comme on masque les carences par le discours.
Marie HURTREL