Octobre écorché
Octobre écorché
De l'autre côté des monts dans mes rêves, une lourde porte s'ouvre sur le silence qui règne et fait tomber le doute sur mes épaules, un frisson me dépouille de ma sérénité. Les murs que je découvre là accueillent des lézardes qui courent entre les taches grises d'un vieux plâtre perdant sa peinture. Chaque écorchure dans le vert joliment déposé susurre une solitude.
J'avance dans le chemin aux promesses de métamorphoses, comme des points, à pas lents, comptés. Un jour, une croix, un rêve, une couleur, ma patience naît et se perd dans l'ouvrage.
Mes mots descendent sur le papier à l'envie. La plume se libère des contraintes de ma réalité et j'explore les lieux d'un possible devenir. Je fixe l'horizon inaccessible pour que le chemin, sous mes pas, s'allège de ses pierres.
L'heure tourne dans le cadran de mes espérances. J'ai acquis le droit de chercher le sentier qui mène à la vie, bordé encore de doutes comme une neige retenue par les talus.
Quelque part quelques uns ont jeté les bûches pour couper la route devenue mon désespoir. J'ai regardé, longtemps il me semble, les fagots de mépris ajoutés comme pour préparer le feu qui consumera mes rêves. Mais refusant d'allumer moi-même le bûcher, lentement j'ai enlevé ces barrages, certaine que de l'autre côté, si d'autres obstacles ralentiraient mes pas, l'essentiel est que cette route est devenue mienne et que personne n'a de droit divin de la détourner. Même si au bout le vide peut se présenter en une clairière sans soleil pour l'inonder.
J'ai marché longtemps et dégagé bien des branchages, encore, comptant un jour les heures, les oubliant un autre. Demain est une lumière avec tous ses possibles, aujourd'hui n'a pas d'avant dans l'horloge de mes incertitudes. J'ai tant mis de larmes aux pieds de mes espoirs qu'ils se sont nourris de l'eau de mes batailles. Chaque fleur née de la confiante attente, si petite soit-elle, s'est ajoutée par bonheur à mon bouquet.
Il y a de hauts sommets dans mon horizon, mais je peux tenter de les gravir sans oublier mon essence. Bûchers et fagots pouvaient me faire perdre courage encore. Mais comparant les pics aux entraves posées par quelques volontés, j'ai choisi de ranger ailleurs, dans un quelconque foutoir sans reconnaissance, les désirs des malfaisants supérieurs en esprit selon leurs intelligences. Et je me suis attachée à passer les hauteurs de hasards et de nécessités.
Mes pensées qui s'élancent vers l'avenir me laissent l'humeur à récolter les baies sauvages, tendant l'oreille aux gazouillis matinaux. Chaque jour me surprend de la beauté des feuillages transpercés de lumière irréelle. Doucement, les nuances d'Octobre se déclarent. Une feuille jaunie lâche prise pour entamer son ultime danse légère et sa chute buissonnière.
Mon pas change son rythme, hésitant et timide maintenant il ne m'arrête plus dans la contemplation d'un nuage.
Les teintes du peintre imaginaire pâlissent. Les derniers frissons des bouleaux s'effeuillant s'éternisent. La route est toujours là devant moi caillouteuse et sans ombre. Un pas encore, un pas de plus sans savoir si demain est un naufrage ou le jardin fertile de la vie.
Me voilà nomade dans ce paysage de chèvres blanches et d'abricotiers, à l'heure où les unes sautent encore par-dessus les talus et les autres ne retiennent pas le départ de leurs touches de topaze.
Le silence se fait dans les arbres. Le vent n'emporte plus les souvenirs d'été dans sa rage. Dans un souffle froid courbant les pointes silencieuses des cyprès, une nouvelle saison s'installe.
Je mesure les craintes qui balisent ma vie depuis longtemps, imposées ou par d'autres nourries.
© Texte déposé - n°UGZ238C