Illusion d'optique et consumérisme
Illusion d’optique et consumérisme.
Tout ramener à une réussite sociale et matérielle infeste l’esprit.
Une vie réussie n'a rien à voir avec l’argent, sans être sot au point de penser qu'il ne faille pas d'argent pour vivre, qui, qui vise le statut et je ne sais quelle gloire ? Un statut, une réputation, une gloire, une richesse ? Pour quoi faire ? Acheter la télé pour se pourrir la tête ? Des magazines ? S’habiller à la mode ? Avoir des bijoux ? Un bon canapé confortable ? Les meilleurs produits du marché ? Les baumes de ceci et les crèmes de cela ? Attirer le regard ? Exciter ?
C'est vrai que c'est une chance d'être ici, je n'aurais pas le culot de proclamer le contraire en songeant à ce que la faim fait comme ravage, il y a des cadavres haïtiens qui se rappellent chaque seconde à ma mémoire et leurs corps bouffis coincés entre leurs yeux vides et leur immobilité, je ne peux ignorer ce que je sais et ce que j'ai vu, je ne suis pas de ceux qui oublient pour garder le confort de l'esprit et du reste.
Evidentes différences de nos privilèges ici avec des pays où règne partout la grande précarité (en langage soft) sans parler d’Haïti où c'est encore autre chose, sans niveau, différent, la concurrence n'existe pas en la matière.
Le tout est de savoir ce qu'on veut faire de ses privilèges et si on en veut, si c'est l'essentiel de la vie ou pas.
La misère a mille visages.
Y a-t-il une compétition des misères, faut-il donner du jugement de valeur aux misères. Je ne parle pas des petites misères de tous les jours, des petites galères qui ne sont qu'empêchements de consommer en rond, je parle des misères humaines dans tout ce que ça suppose de noirceur. On ne peut pas juger les misères et les jauger, personne ne peut le faire à la place de celui qui subit, et je ressens profondément chaque souffrance étrangère au même niveau de supplice, alors je la respecte et l'écoute si je ne peux l'apaiser. Peut-être que finalement je prie puisque la souffrance infinie humaine que je sais me révolte et je "l'écoute" d'une certaine manière très fort, peut-être est-ce une prière sans mot sans dieu, une prière à l'univers d'inverser ce train de l'enfer pris par le monde.
Mourir de faim et manger de la terre pour arrêter les hurlements du corps ne peut être comparé aux tracas des pays occidentaux.
C'est par ce que je comprends de tout ça que je déborde de colère face au monde, et ma vision alter mondialiste trempée d'anarcha-féminisme n'est pas qu'une vision pour moi, je marche dedans tous les jours, à chaque seconde, et c'est ce qui me fait espérer que d'autres fassent de même et que peut-être un jour le monde changera. Je transmets tout ce que je peux de cet espoir à mes enfants et à mon entourage quand leurs oreilles s'ouvrent un peu. Et j'applique dans la vie, en fait je n'applique pas, je le vis simplement, ce n'est pas un projet, c'est un fonctionnement déjà en place qui se heurte sans cesse à celui de la société consumériste, capitaliste, sexiste, hiérarchique.
Après avoir rôdé en abdication et admission, claque-tue des années durant, j’ai remonté l’horloge sur les malaises et les brûlures fournies d’imposition ultra capitalistes qui m’exaspèrent pour dévisser la cimaise portant haut les soi-disant contraintes de nécessité.
Je comprends les besoins de réussite, car je comprends par où chacun peut passer, même à demi-mots, même entre les flous, je comprends au sens apaisement de faim et recherche de liberté, au sens de besoin d’accéder à la rive enfin, peut-être parce que je connais autre chose que la France, merveilleuse idyllique et édénique, comme je l’entends parfois dans un quasi dogmatisme caricatural, ayant aussi traîné mes jours et mes guêtres sur d'autres routes et d'autres terrains, vagues ceux-là, pelés même comme une steppe brûlée, je comprends tout et ne juge pas de la route revenue de l'enfer. Je comprends mais qu’on ne me charge pas de ces rêves-là, les miens sont ailleurs.
Parce que chaque pays est spécial. Parce des pays sont ce qu'ils sont et qu’il y a ceux brisés aux antipodes du mien et son consumérisme ambiant dans lequel en plus il faut absolument élever ses enfants sous peine d'être classés dans les parents maltraitants. Le rêve ! Non, la chance, chance matérielle uniquement. La chance humaine, le vivre vivant, le vivre du partage, de tous les amours sous l'amour universel regroupés, ce n'est pas ici. Ici c'est l'individualisme, le racisme, le sexisme, ce ne sont pas des spécialités françaises évidement, mais c'est à un niveau qui tue l'homme dans l'homme. Il y a des êtres autrement, heureusement, mais claquemurés par le heurt des coutumes - de l'habitude à la coutume, oui ! - consuméristes.
Marie Hurtrel