Brins de plume 8
J'ai volé trop haut.
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La poésie s’est toujours assise sur la peau des écorchés vifs, les poètes sont écorchés ou ne sont pas. Sans dire qu’il faille absolument saigner pour écrire, il faut avoir, je crois, une route, et qui dit route, dit cailloux, pierres anguleuses, grains de poussière dans l’oeil, genoux couronnés, insolations et gelures... et fleurs qui poussent sur le bord du chemin, où on ne s’y attendait pas, parfois dans les pires terres dévastées, une route en somme, juste une route, et des océans à traverser.
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Si tu me racontes le chemin, je peux continuer de le suivre malgré ses pierres et ses ronces, malgré ses pentes et ses fossés sombres, ses imprévus et ce que tu ignores. Parce qu’alors je sais que ce chemin existe.
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Douce nuit, je vais cueillir quelques nuages, deux ou trois rayons de lune, et une goutte de pluie. Avec un cahier je me couche, le vide et le froid sont l’encre qui déborde de mon lit où le silence trempe sa plume, une part de souvenirs comme draps.
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Il faut donner des ailes aux poèmes, un peu de kérosène, enlever les pierres du mur du son, le faire passer entre les lignes modifiées par l’humaine incohérence, et peut-être alors que les mots pourront accomplir ce que j’espère.
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Les poètes sont... fous fous fous, d’où la beauté des mots qui peut être quel que soit le sujet, il me semble que le talent se mesure en partie dans un thème délicat, tous les thèmes où les mots font funambules sur la crête d’un oiseau-lyre (lyre à crête ça n’existe que depuis tout de suite, si, si), sur le crêt de la liberté. Il faut un brin de folie pour ne pas prendre le vertige, pour ne pas tomber dans un piège de qualités négatives, telles que la vulgarité, la méchanceté, le mépris, etc. pour danser comme des fous sur la pointes des mots les plus terrestres. Il y a plusieurs poètes qui le font à merveille.
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Je me suis couchée à l’ombre d’une page bleuie au sang des rêves, la nuit de mon âme tentant de donner sens à ma poésie.
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Par un rayon de soleil, une goutte d’eau, une poignée de terre, un souffle de brise, que la journée s’ouvre comme une fleur.
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Que les mots portent plus loin que l’horizon, de l’autre côté des nues, par delà le sable et la mer, qu’ils résonnent et raisonnent.
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De la nuit, de la lune, de la terre, des nuages, du tic tac des comtoises...
De la mort, de la vie, d’hier, de demain, de la musique, du vent, des feuilles de saule...
De l’eau de ma source, des yeux des anges, des couleurs de ma palette, du regard d’un poète...
Du jour qui se profile, du boulevard qui circule, du auvent du fleuriste, des tables de Christiane, de la Liberté de Miloud...
Du bleu de mon cahier, du bleu de mon âme, du bleu de Russie, des révoltes estudiantines, des senteurs de cacao, des pas de mon voisin.
Du pain sortant du four, du thé qui noircit mon verre, de mon dos qui se plaint, des yeux qui touchent le siècle, des souvenirs des dieux.
De mes partitions, des heures de musique amicales, des pierres ardéchoises, des étangs brennous, du broyé au sucre de mon enfance.
Des ancolies cueillies sous ma fenêtre, des bouleaux finlandais, de la neige de Gatchina, du son du djembé.
De l’insolente intelligence enfantine, du miel de lavande, de la sauge fleurie, du goudron de la route.
De la poussière des chemins, des cris matinaux emplumés, des carillons du clocher de la cité.
Du bourdonnement des abeilles, du blues, du jazz, du klezmer, de mon saxo et de son violoncelle.
Du portable qui sonne, de l’été qui résonne, du café qui camerounise ma tasse.
Des hommes qui savent être humains, des humains qui le restent.
Du refus de plaire, du bonheur de voir, de toucher, de sentir...
Parce que mes pieds touchent terre et que mon âme est ailleurs...
De là et d’ici, de là-bas et plus loin...
L'inspiration arrive...
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Une heure s’étire, la nuit creuse le silence, j’écoute le boulevard qui s’est tu.
Sais-tu les mots qui se posent sur mes pages, les mots qui frôlent ma bouche et repartent sur les ailes du peut-être, sais-tu ce que j’écris quand le temps se décompose dans mes yeux et tes rivages ?
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Si de l’autre côté quelque chose existe, je peux traverser l’enfer et son néant, je peux poser mes pieds nus sur la braise et marcher sur les flammes. C’est le brouillard qui égare, pas le feu.
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Quelques pétales de soleil sur le silence chantonnent à ma fenêtre, un jour pour aller dire un poème à mon saxo qui paresse sous les heures de l’absence.
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© Marie Hurtrel