Brins de plume 10
Entre nuits et jours
Entre nuits et jours, il y a tes yeux qui écrivent de demain le rêve. Entre mes pages, il y a l’aube pâle qui se lève et le parfum de ton soleil.
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Il paraît qu’une première page ne se noircit pas, qu’elle ouvre le livre en se fermant aux mots.
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Le monde est triste. Le monde est miné.
Le monde est une horloge cassée.
Je cherche l’engrenage qui a roulé sous la vie, pour le remettre en place et entendre le tic tac joyeux recommencer.
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Dans les yeux de la louve la peur se dissipe d’un regard... une histoire se lit alors, comme un conte inscrit dans la terre la plus profonde et sombre, la plus belle, celle d’un langage sans espèce* commune.
Confiance.
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C’est fou ce qu’il y a dans l’eau des yeux, autant de reflets que dans une goutte de pluie sur une feuille d’été sous la lumière du soleil.
Il y a le coeur, l’âme, et le corps, il y a la peine, la joie, la peur, l’espoir, la tristesse, le bonheur, il y a hier et demain.
J’aime l’eau des yeux, c’est un livre sans mots sur la vie.
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Un poème dit. Un poème emmène parfois loin. C’est qu’être poète c’est ouvrir une porte, un chemin pour accéder à un monde que tu liras dans ta propre histoire, c’est celle écrite, celle que tu lis.
Le poète puise dans son sang ce qui est dans le tien, et tu le lis et lie.
En cela… Сталкер, да. Peut-être.
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Je poserai la plume aux points de suspension d’une histoire qui ne finit pas, venue d’un coin de Russie qui ne me quitte pas.
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C’est un soir à écouter le temps, dans le chant d’une horloge retrouvant la cadence d’un tic tac glorifiant le silence confiant et la nuit. C’est la paisible espérance que le ciel peut s’ouvrir sur les cordes de mon violoncelle et jouer la musique des anges.
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J’écris, crie, crible mes pages, entre les heures avides. J’écris la chanson qui s’est tue, et les notes heureuses qui viennent cueillir demain.
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Quand la nuit s’écrit à la douceur des heures, le monde change sa dimension, d’un mot se tisse une échelle de fleur, pour monter sur le premier nuage qui me parle de toi.
Que l’obscurité soit sereine.
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Entre les heures, en train d’écrire sous les notes brunes et la nuit blanche, je vois arriver les mots obscurs et les couleurs de sibylle sur la transparence de mon livre infernal.
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La partition de mes rêves se compose dans les notes que ta voix offre aux lendemains. Entre les heures précieuses de notre saison, il est un poème aux saveurs de miel et de pétales de rose, il s’écrit à l’encre de nos veines.
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Certains jours sont tellement attentifs et attendants que le soleil même ne saurait faire la lumière, mais certaines nuits sont tellement blanches que l’encre la plus sombre se lit même sur le marbre noir le plus froid.
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Mon horloge compte sereine les couleuvres sans crédit. Il neige, et les flocons racontent une ville qu’ils ne connaissent pas.
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Avec un peu d’encre posée sur une feuille déchirée, je colle les lettres des lendemains égarés, et j’écris un dessin sur la toile de mes cahiers perdus.
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Le poème à la nuit qui s’inverse, se délie de mots, sans délit, sans lit, sur la nuit rassurée, et minuit signe un jour comme une promesse sur un monde trop vaste et qui ne tourne pas assez vite et rond.
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© Marie Hurtrel