8 de mars 2015
Chers humains,
Bien sûr, les exemples ont toujours été réclamés, en tous cas nous avons été éduqués pour prendre et suivre des références, est-ce dommage ? Peut-être. Il me semble que cela peut être bloquant de hisser des gens sur un podium, quels qu'ils soient et quel que soit le podium mais, c'est aussi tenter la récolte des convictions qu'être est possible... du moment que l'on accède à sa liberté intérieure, que l'on brise toute chaîne solidement fixée à nos naissances. Oui, être selon l'ouverture aux autres et le partage et dans la conscience que c'est en se tenant les mains qu'on les libère.
Venant de lire quelques notes sur neuf femmes connues (et inconnues nous dit-on... elles ne le sont plus) faisant avancer l'Afrique, dans le quotidien Le Monde, il me paraît important de développer cette liste un peu, et d'ajouter l'anonyme multitude faisant les voies ouvertes et l'ascension du monde sur tous les continents.
Je vous parle de Christin qui pose un regard sensible sur les coeurs désolés et n'a de cesse de semer discrètement le réconfort devant leurs pas, de hasards dont elle a le secret.
Et Abena apprenant à ses fils que la liberté se cultive aussi résolument que le respect parce que leurs racines sont jumelles et que les fruits venus peuvent s'offrir à chaque baptême.
Je vous parle également d'Evelyne enseignant la liberté en nourrissant des têtes dissipées dans une classe improbable, elle sème le désir d'apprendre où le marbre de l'abandon a déjà engourdi l'espace. Tenace à tendre l'enthousiasme comme le meilleur piton sur les craintes d'altitude et la constance en moteur.
Passant comme un fantôme bienfaiteur, il y a aussi Nadejda semant silencieusement des circonstances, laissant la cueillette égale aux enfants des rues froides redistribuant immanquablement leur trouvaille.
Et tant et tant que l'on nomme dans l'anticipation des printemps... Amina écrivant le massacre perpétuel de l'humain dans l'humain, Annie levant le poing armée d'espérance, Sophie posant une flamme douce et vivace dans les parcelles obscures des questionnements existentiels, Nanyamka offrant la justesse de sa parole pour abolir les craintes, Hélène imposant une lumière où s'effondrent nos corps, Farah ouvrant nos yeux en levant ses paupières, Olga sauvant la vie en livrant la sienne, Louise chassant le brouillard en dessinant sur l'aube, Aoko soufflant sur les cendres des incohérences humaines, et Veronique, Masako, Lucie, Sarah, Liouba... Il me vient la certitude que vous les connaissez, elles sont là tout près de vous, leurs prénoms résonnant en d'autres orthographes, pétales précieux parfumant vos silences...
Ce jour est un huit calendaire, une journée pour faire le tour du monde du possible et du résolu, un temps pour redire les routes empruntées et celles qui s'ouvrent... C'est aussi un éclat de calendrier pour rappeler que l'ombre pèse encore sur la moitié de l'humanité et que la distorsion reste trop bien cultivée par les intérêts sexués mâles et hélas trop bien acceptés par certaines ayant choisi la soumission comme système de survie... la peur faisant moteur à la continuité de l'esclavage.
Parce que ici ou là, l'on tord ce jour d'un levé de jupes, tendant au sarcasmes masculins ce que des hommes ont injectés auparavant eux-mêmes dans le tissu des pagnes colorés et des corsages consumérisés, ces hommes qui ont choisi de mouler l'espoir des femmes dans le ridicule pour renforcer et arborer plus sûrement les coquilles protectrices de leur justification de domination ; parce qu'au nom des traditions des humains oublient leur humanité ; parce qu'au nom de religions des vivants sacrent la mort donnée ; parce qu'au nom de lois iniques à qui ils décernent le prix de la nature, nombreux plaçant une hiérarchie au fond de culottes cérémoniales, nient la Nature elle-même qui fait pourtant égal le sang ; parce que le monde penche et vacille en toute part et qu'être femme prend encore sa grammaire dans les malédictions du hasard des lieux de naissance ; parce que l'on se saborde parfois si bien soi-même dans l'oubli, la peur, le doute, l'épuisement et parce qu'il n'y a pas une seule raison au renoncement quand c'est la vie qui guide nos pas, je prends le parti de croire en l'humain envers et contre toute frontière et toute désillusion.
Ceci est un jour sonnant, pas une fête, c'est un écho, un rappel, une alerte, une alarme, écoutez-le.
Marie Hurtrel